Elles s'appellent Elisabeth, Sarah, ou Beatrice elles ont 25 ans, 37 ans ou 52 ans. Toutes sont des victimes de cette face cachée de la violence conjugale, la relation d’emprise. Une violence dissimulée, une violence insidieuse, une violence masquée, une violence envisagée comme le paradigme de la honte et l’humiliation.
Ces violences restent peu visibles et cette invisibilité est un obstacle majeur dans la protection des femmes
Quand elles arrivent dans mon cabinet elles ne sont pas encore consciente de leur état de victimes de violence conjugale. On ne les a pas violentées physiquement, elles se sont « échappées » avant et pourtant pendant des années leur partenaire a adopté à leur encontre des comportements agressifs, violents, destructeurs.
Cette violence psychologique a inclut diverses tactiques pour détruire leur personnalité, et leur confiance en elle : rire d’elle, être sarcastique, les pluies d’insultes. Jamais on ne leur à accorder de valeur. Elles sont menacées de violence physique, elles sont enfermées par des actes de domination sur le plan économique. Il contrôle ses dépenses et ses revenus. Il s’accapare les rentrées d argent, fait des réprimandes constantes sur sa façon de dépenser. Il l’empêche de travailler. Il gaspille l’argent à d’autre fins que sa famille, souvent au profit d’une autre femme. Il l’a prive de nourriture. Une femme dépendante financièrement ne peut pas s’échapper aussi facilement
Elles ont été privé délibérément de diverses formes d’appui émotionnel : leurs enfants, elles ont été obligé de couper les contacts avec leur famille, leur amis, parce qu’une femme isolée est beaucoup plus vulnérable.
La relation d'emprise que le sujet violent met en œuvre dans le lien conjugal définit une relation perverse à l'objet. La violence, par sa paradoxalité et le compromis qu'elle permet – se séparer et fusionner en même temps – est alors la solution coûteuse utilisée par le sujet.
L’impact de la violence sur ses victimes sont nombreux :
- La femme violentée en arrive à considérer la violence comme normale et justifiée. Son degré de tolérance augmente à un tel point qu’elle ne perçoit plus les manifestations quotidiennes de l’abus de pouvoir.
- D’autre part, elle prend conscience que la société et son entourage sont encore plus tolérants qu’elle : «Regards qui fuient, voisins qui agissent comme s’ils n’entendaient pas les cris, policiers qui ne font rien…» La femme se rend bien compte que son conjoint est protégé par le silence.
- Confrontée à la tolérance sociale, cette femme réévalue ses propres sentiments d’injustice : Peut-être prend-elle les choses trop à cœur, ça n’est peut-être pas si grave que cela ».
- Même si son intégrité physique, psychologique et sexuelle est de plus en plus menacée par la violence dont elle souffre, elle a de moins en moins conscience de celle-ci.
- Elle vit constamment sous la menace d’une agression : elle en vient à se percevoir uniquement comme une victime sans pouvoir ! Elle ne croit pas qu’elle pourra un jour reprendre sa vie normale. Elle est convaincue que tout effort pour changer sa situation est voué à l’échec. Elle vit dans la honte et se sent incompétente. Elle se vide peu à peu de son énergie vitale.
Nous pourrions ajouter: elle est sujette à développer tous les symptômes lies au stress post-traumatique. La dégradation et l’humiliation associées à l’abus physique détruisent l’estime de soi de la victime (qui n’était déjà pas très élevée).
Une femme qui expérimente la violence, justement parce qu’elle vit dans la peur et l’insécurité constantes, a des problèmes somatiques; elle devient anxieuse et dépressive en plus de devoir soigner les blessures, traumatismes et séquelles qui lui sont infligés.
La plupart des victimes exposée quotidiennement au mépris, au contrôle, aux agressions, vivant dans la peur, l’insécurité, s’ajustant aux besoins du conjoint, se concentrant sur ses humeurs. La femme se perçoit elle-même comme incompétente dans sa vie de couple et ailleurs, et se juge responsable de la violence de son conjoint. Dévalorisée à ses propres yeux, elle se sent incapable de faire évoluer et d’améliorer sa situation.
Ainsi le cycle de violence continue, la laideur des injures s’amplifie, et le désespoir devient un visiteur quotidien et un compagnon à domicile.
Seule la loi peut avoir le rôle du tiers séparateur et interdicteur pour briser ce cycle, tandis que la psychothérapie peut permettre à ces victimes de relancer le processus identificatoire et trouver la bonne distance face à l'objet.
Le fil rouge proposé pour se repérer dans ces situations sera la perspective psychologique et/ou psychanalytique du maillage, démaillage, et remaillage des liens psychiques.
Nous travaillons avec ces femmes mais aussi avec ces hommes sur les raisons qui les ont maintenues dans ces relations d’emprise avec leur conjoint violent
- L’espoir d’une modification possible des comportements du conjoint.
- Un sentiment de culpabilité d’avoir généré cette violence.
- Pour les enfants: elles cherchent à préserver l’unité familiale. Elles ont le souci de ne pas priver les enfants d’un père aussi longtemps que cette violence ne les met pas directement en danger. Elles ne réalisent pas que les enfants, témoins de cette violence, sont encore plus vulnérables aux conséquences.
- La peur de se voir retirer ses enfants.
- Les pressions extérieures, la réprobation de l’entourage : une femme souhaitant échapper à une telle situation doit souvent le faire seule, envers et contre tous.
- L’isolement social, l’absence d’opportunité pour trouver de l’aide.
- Le manque de ressources économiques et les obstacles matériels à surmonter (trouver un hébergement, un emploi, un nouveau logement)
- Les menaces graves, la peur des représailles sur elle-même, les enfants ou les proches, le chantage au suicide du conjoint, qui s’accentuent au moment où la femme décide de rompre.
- La méconnaissance de ses droits, les réticences à affronter les institutions et l’appareil judiciaire.
- Parce qu’elles ne comprennent pas le cycle de la violence et préfèrent croire en la quatrième étape (contrition, amour).
- Pensent qu’elles ne trouveront pas mieux.
- D’autres sont si concentrés sur leur survie qu’il ne leur vient même pas à l’esprit qu’elles pourraient penser vivre autrement.
- D’autres avancent tout simplement leur scénario de vie.
- D’autres pensent qu’elles peuvent prévoir le comportement de leur compagnon.
- D’autres parce qu’elles sont socialement isolées ou n’ont pas de ressources financières.
- D’autres parce qu’elles sont amoureuses de l’agresseur et espèrent qu’il changera.
- D’autres parce qu’elles vieillissent.
Pour saisir l engrenage dans lequel ces femmes se trouve, nous sommes amenées à les aider à comprendre leur emprise en prenant en compte les caractéristiques présentent dans ces situations : la dimension psychotraumatique, l impact des violences sur la santé physique et mentale, la responsabilité des actes, les difficultés de l enfance, pour permettre un réel dégagement et leur ouvrir les portes vers un avenir serein